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Poli
26 augustus 2005, 11:35
Toutes les politiques néo-libérales « de l’emploi » reposent sur un
postulat unique : le chômage n’existe que parce que le travail n’est pas
une véritable marchandise. Si c’était le cas, le salaire, considéré
simplement comme le prix du travail, devrait pouvoir baisser et ajuster
l’offre �* la demande. Seulement voil�* : toute une série de rigidités sur
ce « marché » particulier y font obstacle, qu’il s’agisse du salaire
minimum, des « charges » sociales ou du droit du travail. Et les
indemnités trop « généreuses » allouées aux chômeurs les encouragent �*
s’installer dans le « luxe » (pour reprendre l’expression de Michel Bon
quand il était président de l’ANPE) de ces « trappes �* chômage ».

Les recettes néo-libérales se déduisent de ce postulat. Ainsi, Pierre
Cahuc et Francis Kramarz proposaient, dans un rapport récent pour
Sarkozy et Borloo, de passer « de la précarité �* la mobilité », suivant
en cela l’analyse du chômage développée par Cahuc, avec André
Zylberberg, dans leur livre Le chômage, fatalité ou nécessité ?
(Flammarion, 2004). Le petit détail est que cette analyse ne réussit pas
�* expliquer la création de deux millions d’emplois entre 1997 et 2001.
Si la thèse des rigidités était juste, alors ces performances
exceptionnelles - même en tenant compte de la croissance plus soutenue -
devraient provenir d’une plus grande fluidité du marché du travail. Or
il n’en a rien été : certes, le taux de rotation (demi-somme des entrées
et sorties sur le marché du travail) atteint un point haut comparable �*
la reprise de la fin des années 80, mais pour des performances d’emploi
bien meilleures. Et cette rotation plus rapide correspondait pour
l’essentiel �* des démissions de salariés qui saisissaient l’occasion de
trouver de meilleures conditions d’emploi, au désespoir du patronat se
lamentant aussitôt sur les « pénuries d’emploi ». En même temps, on a pu
observer d’importants recrutements en CDI, et une pause dans le recours
au temps partiel.

Les choses fonctionnent donc �* l’inverse de ce que pensent les experts
néo-libéraux : ce n’est pas la rotation plus rapide sur le marché du
travail qui crée des emplois, c’est au contraire la dynamique de
l’emploi qui accélère cette rotation, �* institutions données. Le simple
bon sens suffirait d’ailleurs pour mettre en doute ce théorème curieux
selon lequel la liberté de licencier et d’embaucher permettrait de créer
des emplois. En réalité, la formule gagnante au cours de cette «
embellie » a été : stabilisation de la part des salaires, réduction du
temps de travail, euro faible et politique budgétaire moins restrictive.
L’épreuve des faits montre que c’est en tournant le dos �* chacun des
préceptes néo-libéraux que l’on a pu améliorer la situation de l’emploi,
au moins temporairement.

Au cours de cette même période, le nombre de chômeurs a baissé de près
d’un million. Etait-ce en raison d’un durcissement des conditions
d’indemnisation ? Evidemment non : des emplois étaient créés et une
partie de celles et ceux qui n’en avaient pas ont pu en trouver un. Et
si deux millions d’emplois n’ont fait baisser le nombre de chômeurs que
d’un million, c’est parce qu’un autre million de personnes qui étaient
jusque l�* sorties de la population active sont revenues sur le marché du
travail. Elles n’étaient donc pas installées dans le « luxe » du
chômage, mais dans sa fatalité.

Les néo-libéraux ne sont pas des imbéciles. Les politiques qu’ils
préconisent ne paraissent absurdes que si l’on pense que leur objectif
est l’emploi. Comment croire en effet que la fusion du CDD et du CDI en
un contrat de travail précarisé pourrait en soi créer des emplois ?
Aucune des mesures prises par de Villepin, qui vont toutes dans ce sens,
ne saurait obtenir un tel résultat. En revanche, elles vont dégrader la
situation des salariés et des chômeurs. Car le chômage a son utilité :
il exerce, avec la menace des délocalisations, une pression conjointe
sur les uns et les autres. Les contraintes exercées sur celles et ceux
qui n’ont pas d’emploi pour qu’ils acceptent n’importe quel salaire et
n’importe quel statut conduit �* dégrader la condition salariale dans son
ensemble. La politique de ce gouvernement n’est rien d’autre qu’une
entreprise de déconstruction sociale.

texte de:
Michel Husson, administrateur de l’ INSEE, chercheur �* l’ IRES (Institut
de recherches économiques et sociales). pour Regards, septembre 2005.