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17 december 2006, 18:34
http://www.polemia.com/index.php
L’identité est la problématique centrale du XXIe siècle. Par-del�*
l’Atlantique les interrogations du géopoliticien conservateur Samuel
Huntington et du philosophe Nouvelle Droite Alain de Benoist se font écho.
Explications :
1. Les approches de Samuel Huntington et d’Alain de Benoist sont
différentes. Dans « Nous et les autres – Problématique de l’identité »,
(http://www.alaindebenoist.com/open/ouvrages.pdf)
l’essayiste Alain de Benoist propose une approche ontologique du concept
et de son évolution au cours des trois derniers siècles conduisant de la
prémodernité �* la postmodernité.
L’approche de Samuel Huntington est plus sociologique et plus concrète,
plus engagée aussi : dans « Qui sommes-nous ? Identité nationale et choc
des cultures »
(http://astore.amazon.fr/gp/detail.html?tag=republiquedeslet&linkCode=sb1&asin=273811542X)
le professeur de Harvard défend un point de vue particulier, celui d’un
conservateur militant défendant le caractère anglo-protestant de
l’identité américaine.
Mais par-del�* ces différences, les constats se rejoignent sur un point :
« La crise des identités nationales est devenue un phénomène mondial »
(Samuel Huntington, p. 24) et plus les repères identitaires s’effacent,
plus la problématique de l’identité s’impose (Alain de Benoist).
2. Pour Alain de Benoist, la problématique de l’identité apparaît au
XVIIIe siècle avec la modernité qui affranchit les individus des
circonstances de leur naissance ; ainsi la philosophie des Lumières
arrache la question identitaire �* toute « naturalité » au nom du libre
choix des individus.
Emerge alors durant tout le XIXe siècle, tout en se poursuivant au XXe
siècle, « l’identité collective la plus englobante, l’identité nationale
» (Alain de Benoist, p. 34). Celle-ci toutefois est ambivalente :
incarnée et concrète, elle reprend l’héritage du passé et valorise un
imaginaire historique ; intellectuelle et abstraite, elle est aussi une
construction idéologique. Toutefois l’opposition entre « nations
civiques » et « nations ethniques » est sans doute excessive car l’une
ne va jamais totalement sans l’autre : « le nationalisme contemporain a
beau se fonder sur l’idéologie politique de l’Etat et de la citoyenneté,
ce serait une erreur de croire que des valeurs politiques abstraites
suffisent �* exiger des sociétaires les sacrifices auxquels ils doivent
parfois consentir » (Alain de Benoist, p. 36).
Les idéologies « républicaines » et « souverainistes » qui dominent le
débat politique français trouvent ici leurs limites. D’autant plus que,
le mouvement de « modernité » se poursuivant, « l’idéologie du même »
continue de se déployer �* l’échelle du monde. Les logiques de la
globalisation et du marché roi poussent �* la déterritorialisation, au
délestage des attaches symboliques et �* l’apparition d’identités de
rechange éphémères (la marque, le club sportif). Dans le même temps la
disparition des frontières ne permet plus aux différents territoires et
aux peuples qui les habitent d’évoluer �* leur rythme.
Ce nihilisme du marché débouche sur une crise majeure des consciences
collectives source de nombreux replis identitaires ; ainsi la
postmodernité voit le retour du religieux et de la « naturalité ».
3. S’inscrivant dans une perspective libérale, Samuel Huntington n’en
décrit et n’en déplore pas moins la mise en cause progressive des
composantes de l’identité américaine : pour Samuel Huntington, jusqu’ici
dans les années 1940, celle-ci a été ethnique (des Européens du Nord),
raciale (des Blancs), culturelle (des anglo-protestants), politique
(l’Etat fédéral et les 50 Etats fédérés) ; puis, l’Amérique est devenue
une société multiethnique �* partir de la seconde guerre mondiale mettant
en scène les diverses origines des soldats américains ; puis,
multiraciale �* partir des années 1960, les Etats-Unis cessant, sous la
pression des lois civiques, d’être « une nation raciste », selon
l’expression d’Arthur Schlesinger junior.
Aujourd’hui c’est même la question de la culture qui se pose sous le
double effet idéologique de la « discrimination positive » qui remet en
cause une des bases du « credo américain » (l’égalité de mérite) et de
l’hispanisation progressive d’une partie des Etats-Unis où le
catholicisme et la langue espagnole se développent au détriment de la
langue anglaise et de la religion protestante.
Enfin Samuel Huntington se penche sur les effets de la globalisation
faisant apparaître une dénationalisation des élites et l’émergence d’une
nouvelle classe mondiale, les « cosmocrates », classe qui tend �* faire
sécession du reste de la nation.
4. Le diagnostic une fois posé, quels sont les éléments de permanence de
l’identité collective ?
« La langue, la culture au sens large (système de valeurs, modes de vie,
façons de penser), souvent (mais pas toujours) le territoire, la
conscience d’appartenance et le vouloir vivre ensemble » (Alain de
Benoist, p. 127) ; la langue anglaise et la culture anglo-protestante
pour Samuel Huntington en tant qu’Américain et fier de l’être.
Chez ces deux auteurs on retrouve donc implicitement ou explicitement
une référence �* Renan pour qui « La nation est une âme, un principe
spirituel ». Il convient toutefois de noter que la lecture de Renan est
souvent tronquée car, avant d’arriver �* son concept du « plébiscite de
tous les jours », du « vouloir vivre ensemble », Renan étudie longuement
tout « ce qui ne suffit pas �* créer un tel principe spirituel : la race,
la langue, les intérêts, la géographie, les nécessités militaires ».
Ainsi, sauf �* commettre un contresens, faut-il se rappeler que si ces
données fondamentales ne sont sans doute pas suffisantes pour constituer
une nation, elles n’en sont pas moins une condition nécessaire et un
socle préalable. Sur ce point l’analyse du Club de l’Horloge reste
incontournable telle qu’elle a notamment été développée dans « La
réforme du code de la nationalité »
(http://www.clubdelhorloge.fr/reforme_code.php).
5. Le politiquement correct qui nous gouverne ne peut manquer
d’influencer les meilleurs auteurs, mais il n’est pas certain que le
tabou de l’ethnie, voire de la race, puisse indéfiniment tenir. Dans un
monde de plus en plus mouvant, ces fondamentaux que sont le territoire
et l’héritage ne manquent pas de ressurgir : le territoire, d’abord,
sous sa forme nationale voire locale ; déj�* le localisme apparaît sinon
une des réponses, du moins une des formes de résistance �* la
globalisation ; la lignée et l’héritage, ensuite, sous leur double forme
ethnique et culturelle, l’une et l’autre n’étant pas séparables en tout
cas s’agissant de grandes masses de population.
En fait, dans le monde postmoderne qui se dessine �* l’aube du XXIe
siècle, le besoin d’identité tel qu’il tend �* s’exprimer est
probablement l’une des menaces majeures qui visent la globalisation du
monde en même temps qu’un des espoirs de ses adversaires.
Les réponses en termes idéologiques �* base d’Amérique monde (cas des
Etats–Unis), de République universelle (cas français) ou de grand marché
euro-méditerranéen (cas de l’Union européenne) se heurtent aux réalités
affectives et �* la vitalité des peuples. Les élites mondialisées,
elles-mêmes, peuvent être tentées, ne serait-ce que par le
fonctionnement en réseaux du monde moderne, de redonner �* leurs attaches
ethnoculturelles du sens et de l’importance : la Chine est, dit-on,
partout où il y a un Chinois ; la même logique pourrait aussi
s’appliquer aux expatriés français ou américains qui, après tout,
peuvent eux aussi emporter leurs valeurs et leurs références �* la
semelle de leurs souliers.
6. Cette double réflexion sur l’identité ne se conclut, ni dans un cas
ni dans un autre, par des conclusions d’action. Les lignes qui en
ressortent sont toutefois clairement différentes. Réservé sur le projet
d’une Amérique cosmopolite et impériale, Samuel Huntington laisse percer
ses préférences pour une Amérique nationale, recentrée sur les valeurs
anglo-protestantes et la langue anglaise et se protégeant de
l’immigration hispanique. Penseur européen dissident, Alain de Benoist
se situe moins dans l’espace que dans le temps. Sa critique fondamentale
porte sur la réification et la marchandisation du monde qui aboutit �*
son « désenchantement ». L’attaque du « capitalisme total » est vive et
l’appel au « retour du symbolique » implicite. Mais, signe des temps ou
du rapport des forces, �* la fierté assumée d’être américain ne répond
pas la fierté d’être français et/ou européen.
Andrea Massari
© Polémia
08/12/06
L’identité est la problématique centrale du XXIe siècle. Par-del�*
l’Atlantique les interrogations du géopoliticien conservateur Samuel
Huntington et du philosophe Nouvelle Droite Alain de Benoist se font écho.
Explications :
1. Les approches de Samuel Huntington et d’Alain de Benoist sont
différentes. Dans « Nous et les autres – Problématique de l’identité »,
(http://www.alaindebenoist.com/open/ouvrages.pdf)
l’essayiste Alain de Benoist propose une approche ontologique du concept
et de son évolution au cours des trois derniers siècles conduisant de la
prémodernité �* la postmodernité.
L’approche de Samuel Huntington est plus sociologique et plus concrète,
plus engagée aussi : dans « Qui sommes-nous ? Identité nationale et choc
des cultures »
(http://astore.amazon.fr/gp/detail.html?tag=republiquedeslet&linkCode=sb1&asin=273811542X)
le professeur de Harvard défend un point de vue particulier, celui d’un
conservateur militant défendant le caractère anglo-protestant de
l’identité américaine.
Mais par-del�* ces différences, les constats se rejoignent sur un point :
« La crise des identités nationales est devenue un phénomène mondial »
(Samuel Huntington, p. 24) et plus les repères identitaires s’effacent,
plus la problématique de l’identité s’impose (Alain de Benoist).
2. Pour Alain de Benoist, la problématique de l’identité apparaît au
XVIIIe siècle avec la modernité qui affranchit les individus des
circonstances de leur naissance ; ainsi la philosophie des Lumières
arrache la question identitaire �* toute « naturalité » au nom du libre
choix des individus.
Emerge alors durant tout le XIXe siècle, tout en se poursuivant au XXe
siècle, « l’identité collective la plus englobante, l’identité nationale
» (Alain de Benoist, p. 34). Celle-ci toutefois est ambivalente :
incarnée et concrète, elle reprend l’héritage du passé et valorise un
imaginaire historique ; intellectuelle et abstraite, elle est aussi une
construction idéologique. Toutefois l’opposition entre « nations
civiques » et « nations ethniques » est sans doute excessive car l’une
ne va jamais totalement sans l’autre : « le nationalisme contemporain a
beau se fonder sur l’idéologie politique de l’Etat et de la citoyenneté,
ce serait une erreur de croire que des valeurs politiques abstraites
suffisent �* exiger des sociétaires les sacrifices auxquels ils doivent
parfois consentir » (Alain de Benoist, p. 36).
Les idéologies « républicaines » et « souverainistes » qui dominent le
débat politique français trouvent ici leurs limites. D’autant plus que,
le mouvement de « modernité » se poursuivant, « l’idéologie du même »
continue de se déployer �* l’échelle du monde. Les logiques de la
globalisation et du marché roi poussent �* la déterritorialisation, au
délestage des attaches symboliques et �* l’apparition d’identités de
rechange éphémères (la marque, le club sportif). Dans le même temps la
disparition des frontières ne permet plus aux différents territoires et
aux peuples qui les habitent d’évoluer �* leur rythme.
Ce nihilisme du marché débouche sur une crise majeure des consciences
collectives source de nombreux replis identitaires ; ainsi la
postmodernité voit le retour du religieux et de la « naturalité ».
3. S’inscrivant dans une perspective libérale, Samuel Huntington n’en
décrit et n’en déplore pas moins la mise en cause progressive des
composantes de l’identité américaine : pour Samuel Huntington, jusqu’ici
dans les années 1940, celle-ci a été ethnique (des Européens du Nord),
raciale (des Blancs), culturelle (des anglo-protestants), politique
(l’Etat fédéral et les 50 Etats fédérés) ; puis, l’Amérique est devenue
une société multiethnique �* partir de la seconde guerre mondiale mettant
en scène les diverses origines des soldats américains ; puis,
multiraciale �* partir des années 1960, les Etats-Unis cessant, sous la
pression des lois civiques, d’être « une nation raciste », selon
l’expression d’Arthur Schlesinger junior.
Aujourd’hui c’est même la question de la culture qui se pose sous le
double effet idéologique de la « discrimination positive » qui remet en
cause une des bases du « credo américain » (l’égalité de mérite) et de
l’hispanisation progressive d’une partie des Etats-Unis où le
catholicisme et la langue espagnole se développent au détriment de la
langue anglaise et de la religion protestante.
Enfin Samuel Huntington se penche sur les effets de la globalisation
faisant apparaître une dénationalisation des élites et l’émergence d’une
nouvelle classe mondiale, les « cosmocrates », classe qui tend �* faire
sécession du reste de la nation.
4. Le diagnostic une fois posé, quels sont les éléments de permanence de
l’identité collective ?
« La langue, la culture au sens large (système de valeurs, modes de vie,
façons de penser), souvent (mais pas toujours) le territoire, la
conscience d’appartenance et le vouloir vivre ensemble » (Alain de
Benoist, p. 127) ; la langue anglaise et la culture anglo-protestante
pour Samuel Huntington en tant qu’Américain et fier de l’être.
Chez ces deux auteurs on retrouve donc implicitement ou explicitement
une référence �* Renan pour qui « La nation est une âme, un principe
spirituel ». Il convient toutefois de noter que la lecture de Renan est
souvent tronquée car, avant d’arriver �* son concept du « plébiscite de
tous les jours », du « vouloir vivre ensemble », Renan étudie longuement
tout « ce qui ne suffit pas �* créer un tel principe spirituel : la race,
la langue, les intérêts, la géographie, les nécessités militaires ».
Ainsi, sauf �* commettre un contresens, faut-il se rappeler que si ces
données fondamentales ne sont sans doute pas suffisantes pour constituer
une nation, elles n’en sont pas moins une condition nécessaire et un
socle préalable. Sur ce point l’analyse du Club de l’Horloge reste
incontournable telle qu’elle a notamment été développée dans « La
réforme du code de la nationalité »
(http://www.clubdelhorloge.fr/reforme_code.php).
5. Le politiquement correct qui nous gouverne ne peut manquer
d’influencer les meilleurs auteurs, mais il n’est pas certain que le
tabou de l’ethnie, voire de la race, puisse indéfiniment tenir. Dans un
monde de plus en plus mouvant, ces fondamentaux que sont le territoire
et l’héritage ne manquent pas de ressurgir : le territoire, d’abord,
sous sa forme nationale voire locale ; déj�* le localisme apparaît sinon
une des réponses, du moins une des formes de résistance �* la
globalisation ; la lignée et l’héritage, ensuite, sous leur double forme
ethnique et culturelle, l’une et l’autre n’étant pas séparables en tout
cas s’agissant de grandes masses de population.
En fait, dans le monde postmoderne qui se dessine �* l’aube du XXIe
siècle, le besoin d’identité tel qu’il tend �* s’exprimer est
probablement l’une des menaces majeures qui visent la globalisation du
monde en même temps qu’un des espoirs de ses adversaires.
Les réponses en termes idéologiques �* base d’Amérique monde (cas des
Etats–Unis), de République universelle (cas français) ou de grand marché
euro-méditerranéen (cas de l’Union européenne) se heurtent aux réalités
affectives et �* la vitalité des peuples. Les élites mondialisées,
elles-mêmes, peuvent être tentées, ne serait-ce que par le
fonctionnement en réseaux du monde moderne, de redonner �* leurs attaches
ethnoculturelles du sens et de l’importance : la Chine est, dit-on,
partout où il y a un Chinois ; la même logique pourrait aussi
s’appliquer aux expatriés français ou américains qui, après tout,
peuvent eux aussi emporter leurs valeurs et leurs références �* la
semelle de leurs souliers.
6. Cette double réflexion sur l’identité ne se conclut, ni dans un cas
ni dans un autre, par des conclusions d’action. Les lignes qui en
ressortent sont toutefois clairement différentes. Réservé sur le projet
d’une Amérique cosmopolite et impériale, Samuel Huntington laisse percer
ses préférences pour une Amérique nationale, recentrée sur les valeurs
anglo-protestantes et la langue anglaise et se protégeant de
l’immigration hispanique. Penseur européen dissident, Alain de Benoist
se situe moins dans l’espace que dans le temps. Sa critique fondamentale
porte sur la réification et la marchandisation du monde qui aboutit �*
son « désenchantement ». L’attaque du « capitalisme total » est vive et
l’appel au « retour du symbolique » implicite. Mais, signe des temps ou
du rapport des forces, �* la fierté assumée d’être américain ne répond
pas la fierté d’être français et/ou européen.
Andrea Massari
© Polémia
08/12/06