Politics.be - =?iso-8859-1?Q?Extr=EAme?= droite: Stop ou encore?

Les résultats des dernières communales sont habituels : l'extrême droite
monte encore. Oui, mais, il y a un mais ! Elle peut être bloquée et mieux
encore, elle peut même reculer. C'est le cas �* Anvers, Gand et Schaerbeek.
Dans la métropole portuaire, le Vlaams Belang passe de la première �* la
deuxième place au hit -parade politique. La victoire, le 8 octobre
dernier, est repassée dans le camp des antifascistes. Le SP.a gagne du
terrain, �* Anvers, comme la gauche radicale. Demain des ''dimanches
rouges'' ? C'est bel et bien possible désormais. Voici les huit
enseignements �* tirer des résultats communaux des partis liberticides.

1.L'extrême droite progresse partout

Le 8 octobre, le Vlaams Belang (VB) a confirmé qu’il était un parti de
masse. Son meilleur résultat : Schoten, avec près de 35 %. Dans d'autres
villes, il se retrouve avec des scores au-dessus des 25-33 %. Pour les
élections de districts, �* Anvers, le VB peut crier ''bingo'', avec des
gains affolant, comme �* Merksem (41 %) et Deurne (43 %). Cependant, grâce
�* la constitution de ''majorités patchwork'', il restera dans
l'opposition. Ouf, les démocrates l'ont échappé belle.

Du côté francophone, l’extrême droite est restée plus divisée que jamais.
Ce qui a éparpillé les votes protestataires. Malgré ce contexte, le FN
engrange quelques succès électoraux, par rapport aux élections de 2000. Le
FN avait obtenu 6 sièges en 2000, il en a gagné 27, le 8 octobre dernier.
Et fait des scores non négligeables dans des communes où il était absent
en 2000 : �* Mons (8 %), Châtelet (10 %), Quaregnon (11 %), Pont-�*-Celles
(13 %)... A Charleroi, la ville qui pouvait devenir l’Anvers wallon, le FN
n'arrive pas au score prédit avant les élections. Il y fait néanmoins un
bon résultat, avec près de 10 %. Dans la capitale du Pays noir, l’addition
de l’ensemble des trois listes antidémocratiques (FN, FNationale et FNB)
donne tout de même un résultat de 13 %. Dans la région bruxelloise,
l’extrême droite continue a rassembler de très nombreuses voix, lorsque
l’on additionne les résultats des listes liberticides : 9 % �*
Bruxelles-Ville ainsi qu'�* Evere, 11 % �* Molenbeek et près de 12 % �*
Anderlecht.

2.Le VB peut être bloqué et perdre

A Anvers, Gand et Schaerbeek, le Vlaams Blok/Belang vient de subir ses
premiers petits Waterloo électoraux. A Anvers, le VB, pourtant en cartel
électoral avec les dissidents du VLD regroupés dans le mouvement Vlott, ne
progresse que d'un minuscule 0,5 %. De plus, il passe de la première place
(désormais occupée par le SP.a) �* la deuxième place au hit-parade
électoral. C’est un échec historique. Un échec très personnel pour Filip
Dewinter (le véritable patron du VB). A Gand, le VB passe de près de 20 %
�* 18 %. A Schaerbeek, sa liste locale perd plus de 50 % de son électorat.
Il passe ainsi de 8 % �* 4 %. L'humiliation suprême.

Autre bonne nouvelle : dans le quotidien Le Soir, la journaliste Bénédicte
Vaes a démontré que depuis 2004, ''la marée noire reflue » sur l'ensemble
du territoire flamand. ''Ce déclin est très clair lorsqu'on compare les
scores provinciaux du 8 octobre �* ceux des régionales. Au total, le VB qui
avait, en 2004, conquis près d'un million de Flamands, perd plus de 80.000
voix, ou 8,46 % de ses effectifs. Son comptage s'arrête désormais �*
879.377 voix'', analyse Bénédicte Vaes. Pour elle encore : ''Le Belang a
bel et bien subi un coup d'arrêt (...). Ce qui offre une cure d'optimisme
aux démocrates. Tous ceux qui prescrivaient, par désespoir, de laisser le
VB accéder au pouvoir dans l'espoir qu'il s'y brûle, se taisent soudain''.

Conclusion du journal De Standaard : ''Nulle part en Flandre, le Vlaams
Belang n'a pu obtenir un résultat lui permettant d'être incontournable sur
l'échiquier politique''. A Anvers plus particulièrement, le quotidien
catholique constate : ''La ville aura finalement été un Waterloo pour le
dirigeant du Vlaams Belang. Le parti n'a pas non plus réalisé de bons
scores dans les différents districts d'Anvers (...). L'avenir de ce parti
semble moins brillant. Dans certaines villes, il enregistre soit un recul,
soit de modestes gains (�* Gand et �* Malines). De fait, l'idée de permettre
�* l'extrême droite d'intégrer une majorité afin de le mettre �* l'épreuve
de l'exercice du pouvoir se fait moins pressante''. Le résultat des
élections aura donc, pour finir, renforcé le cordon sanitaire que le VB
avait pourtant prévu de faire sauter. Pari perdu.

3.Le cordon sanitaire n’a pas implosé

Tout le monde, ou presque, avait prévu que le cordon sanitaire volerait en
éclat après le 8 octobre. Selon une enquête, réalisée en mars par Het
Laatste Nieuws, 16 bourgmestres (membres du VLD et du CD&V) sur 308
affirmaient être prêts �* ouvrir des négociations avec le parti d'extrême
droite en vue de l’ intégrer au pouvoir communal. ''Si nous avons besoin
d’un seul VB pour former une majorité, alors nous n’abandonnerons pas nos
électeurs'', avait affirmé Freddy Vranckx, bourgmestre libéral de la
commune de Lubbeek. Le VB pensait donc son heure arrivée pour enfin
accéder au pouvoir en coalition, après près de 30 ans d'existence et de
présence en continu sur les bancs de l'opposition. Eh bien non, le cordon
sanitaire est resté d’actualité. Il n’a pas été brisé. Ce cordon
continuera �* faire du Blok/Belang un parti éternellement d’opposition, �*
moins que les ''modérés'' du VB arrivent �* bouter hors de leurs rangs
Dewinter, ce qui permettrait, selon eux, de dédiaboliser leur parti, afin
de l'associer enfin �* des pouvoir communaux, régionaux.... Mais ceci est
une autre affaire, dont il sera question ci-dessous (voir point 8).

4.Les dissidents restent au tapis

A Anvers, deux listes concurrentes �* celles du VB avaient été déposées :
celle du Nieuwe partij (NP, branche flamande officielle du Front national)
et celle de Protest (droite radicale, notamment soutenue par des
néonazis). Leurs résultats : 0,2 % chacun. Dans plusieurs communes
bruxelloises, le VB s'est par ailleurs disputé les ''voix protestaires''
avec le Front national et Force nationale. Dans une ville �* large majorité
francophone (85 % de ses habitants), le parti séparatiste flamand reste
cependant le parti d’extrême droite ‘number one’

Côté francophone, les clones et dissidents du FN subissent de nouveaux
insuccès électoraux. Le FNB confirme son état groupusculaire et son
inexistence militante. Force nationale obtient également des résultats
insignifiants.

A ces élections, comme lors des rendez-vous électoraux précédents, le VB
et le FN ont donc cloué au sol tous leurs dissidents. Ils gardent la main
sur le leadership de l'extrême droite. L'avenir de la droite nationaliste,
poujadiste, xénophobe et populiste reste ancrée derrière les initiales VB
et FN. Pas de salut en dehors de ces labels gagnants. L’électorat préfère
toujours l’original �* la copie. Entre une vraie Lacoste et une fausse
Lacoste, que choisir ? La vraie pardi !

5.Apparition de l'extrême droite ''immigrée''

Un des thèmes centraux développés par les médias �* l'occasion des
communales 2006 fut le ''vote communautariste''. Pour la première fois,
les étrangers non-européens pouvaient voter. Le nombre de candidats
d'origine nord-africaine, sub-saharienne, turque... s'est multiplié. Des
milliers d'habitants de notre pays purent enfin exprimer leur opinion.
Seul bémol dans cette avancée exceptionnelle en Europe : la présence de
candidats émergeant de mouvements religieux intégristes et d'organisations
politiques antidémocratiques. A Schaerbeek, Gand, Charleroi... la présence
de membres des Loups gris (extrême droite raciste turque), par exemple,
fut observée sur des listes de partis démocratiques. Ce sujet, tabouisé
par la bien-pensante ambiante, a fait polémique. Les prises de positions
se sont crispées. Les uns affirmant que le cordon sanitaire avait été
brisé, par le PS �* Schaerbeek par exemple, les autres adoptant pour toute
défense la politique de l'autruche (se terrer et attendre que l'orage
passe) ou criant au ''grand complot''. Sans pour autant apporter des
réponses précises aux questions posées.

Si il y a eu des candidats (et maintenant des élus) d'extrême droite
''immigrée'', il y a aussi un électorat pour ces gens l�*. Le Vlaams Belang
en était bien conscient. C'est pour cette raison qu'aux communales de
2000, sur sa liste �* Alost, figurait une dénommée Belkis Sögütlü, alias
''madame Hitler''. En prévision du scrutin de 2006, le même parti diffusa
un tract en langue turque �* Saint-Josse-ten-Noode et Schaerbeek, communes
bruxelloises où réside une forte communauté turcophone. Après ses
révélations sur la présence d'un dirigeant des Loups gris dans les rangs
socialistes, le journaliste Mehmet Koksal dénonçait sur son blog
(http://allochtone.blogspot.com) la présence sur la liste schaerbeekoise
du VB, parti islamophobe, d'un candidat musulman qui s'est exprimé en
arabe dans sa propagande. Le Centre d'études de la vie politique (Cevipol,
ULB) avait quant �* lui déj�* déterminé, aux élections régionales de 2004,
que 4,7% de l’électorat bruxellois du VB s'affirmait comme étant musulman.

Une chose est désormais sûre : il y a bel et bien, au sein des populations
d’origine immigrée, des élus et des électeurs d'extrême droite. Le
''parcours immigré'' n'est pas un antidote au racisme et �* l'adhésion aux
thèses politiques d'Ordre nouveau.

6.Montée de l’''autre extrême''

Notre société va mal : délocalisations, fermetures d'entreprises, chômage,
criminalité, scandales politico-judiciaires... sont en hausse. La Belgique
perd la boule et les extrémistes récoltent dans leur escarcelle des déçus,
des rebelles et des révoltés. Le vote dit ''protestataire'' est favorable
�* l'extrême droite... pourtant incarnant intrinsèquement des valeurs
conservatrices, contre-révolutionnaires, rétrogrades, ultralibérales et
antisociales. Un paradoxe. Que certains semblent de plus en plus comprendre.

De l'autre côté de l'échiquier, il se trouve un ''autre extrême'' :
l'extrême gauche. Cette gauche radicale, anticapitaliste et populaire n'a
rien �* voir avec les extrémistes en chemises noires. Ces derniers scandent
un radicalisme d'exclusion basé sur l'inégalitarisme et le principe
capitaliste de l'exploitation de l'homme par l'homme. La gauche réellement
de gauche propose, elle, un radicalisme d'intégration. Permettant la
transformation du pays sur les bases fondatrices d'une nouvelle société :
auto-organisée par ses habitants, socialiste et égalitariste. Depuis 2004,
les représentants de cette gauche, s'imposent petit �* petit, dans le
paysage politique. Malgré leurs handicaps endogènes (conflits et divisions
internes) et une politique étatique voulue pour organiser le black out
autour d'eux, les ''gauchistes'' de chez nous bougent pourtant toujours
(voir le dossier du JDM du 19/09/06). Ils apparaissent dorénavant, de
façon plus visible, dans les résultats électoraux : près de 3 % �*
Molenbeek, 8 % �* Anderlues, 8 % �* Courcelles, 9 % �* Herstal et Seraing, 10
% �* la Louvière... En Flandre, le PTB est même arrivé �* près de 22 % �*
Zelzate (commune du nord de la ville de Gand). En sièges, le PTB est passé
de 5 �* 15 élus. Un record absolu pour le Parti du Travail de Belgique,
d'obédience marxiste-léniniste. Les autres représentants de la gauche
communiste obtiennent également des élus : le Parti ouvrier socialiste
deux, et le Parti communiste une dizaine.

Assisterons-nous �* d'autres victoires de la gauche radicale en 2007 ? A
des ''dimanches rouges'' ? C'est probable, si les moyens - octroyés
habituellement �* toutes forces politiques pour se faire connaître du grand
public - lui sont accordés. Dernière remarque et non la moindre : la
montée en puissance des partis proposant une alternative progressiste �* la
''Belgique d'en bas'' est un réel frein �* celle de l'extrême droite.

7.La bonne gouvernance, solution contre l’extrême droite ?

En général, l�* où le VB perd, ne progresse que légèrement ou ne fait pas
des scores effrayants, il se trouve des bourgmestres très actifs dans le
domaine de la proximité et présentant des bilans communaux positifs. ''A
Anvers, le bourgmestre Patrick Janssens a prouvé que la bonne gouvernance
peut réduire le Vlaams Belang'', note De Standaard, après la défaite
anversoise de Filip Dewinter. Dans le Hainaut, où des politiciens ont
fauté, le FN décroche des bonus. Le clientélisme archaïque et les gestions
féodales sont du pain béni pour le développement durable des vendeurs
d'Ordre nouveau. La bonne gouvernance et l'association réelle de la
population, dans un esprit de transparence, semblent permette de
court-circuiter l'ascension VBistes et frontiste. La perte des batailles
électorales �* Schaerbeek, Anvers et Gand démontre que le VB peut être
bloqué grâce �* une autre façon de faire de la politique. Un enseignement
encourageant pour l'avenir ?

Pour le long terme, et pour mettre définitivement hors d'état de nuire
l'extrême droite, ce sont des changements radicaux qui devront être
apportés, essentiellement dans le combat contre l'insécurité, la précarité
et le chômage. La seule réelle solution pour éradiquer l'extrême droite,
cette maladie politique qui ravage depuis plus de quinze ans la Belgique :
l'édification d'une société égalitaire, avec un système profondément
démocratique qui bannira les injustices et les discriminations. Une
''Autre société'' est non seulement possible, mais est en définitive la
seule solution contre l'extrême droite.

8.Le ''Dewinter Blok'' mis sur la touche

Filip Dewinter est arrivée �* la tête du Vlaams Blok au milieu des années
80, adoubé par Karel Dillen, le président-fondateur du parti. L'ascension
du jeune Dewinter ne va pas faire que des heureux. Fidèles du combat
nationaliste ''100 % flamand'', la vieille garde du parti va exprimer son
opposition au clan Dewinter. Rien n'y fait. Dewinter est le plus fort et
s'impose au sommet du VB. En 1989, ses premiers opposants internes jettent
le gant et partent fonder un mouvement dissident, le Nationalistisch
verbond. Son existence sera éphémère.

En interne, les anti-Dewinter sont toujours présents. Ils font partie de
tous les courants du parti. Ils sont de plus en plus nombreux �* considérer
Filip Dewinter comme étant le principal responsable de la diabolisation du
VB. Diabolisation qui l'isole dans le paysage politique et le maintient
éternellement dans l'opposition. Même Franck Van Hecke (le président VB)
et Gerolf Annemans (le n°3 du parti) montrent leur irritation vis-�*-vis de
la stratégie dewinterienne. La pression vient aussi de la nébuleuse
externe du VB : le Vlaamse Volksbeweging (VVB), le mouvement passerelle
entre les différents courants nationalistes, a désapprouvé publiquement
Filip Dewinter, après son échec anversois. L'un des dirigeants du VVB,
Dirk Laeremans, souhaite même que Dewinter, devenu un mauvais joueur,
quitte le terrain et retourne dans les vestiaires. Dewinter est dorénavant
le canard noir des ultras du nationalisme flamand, qui le considèrent
comme un barrage placé sur le chemin devant conduire �* l'indépendance de
la Flandre.

Soucieux d'arriver au pouvoir, le clan des ''modérés'' va maintenant
profiter de cet échec pour tenter de mettre de côté Dewinter. Le compte �*
rebours annonçant la dégringolade du ''golden boy'' de l'extrême droite
flamande a-t-elle sonné ? Au lendemain des élections communales, Luc Van
der Kelen, éditorialiste au Het Laatste Nieuws titrait, au sujet de son
échec électoral : ''Begin van het einde'' (le début de la fin), ajoutant
que ''le crépuscule des dieux semble entamé pour Filip Dewinter''. Alors,
demain, la fin du ''Dewinter Blok'' ? Les péripéties futures au sein du
Vlaams Belang seront observées avec un grand intérêt.

Par Manuel ABRAMOWICZ