"Elle a 25 ans, lui 41 ans. Ils sont mariés, Blancs et fermiers. Se
revendiquent «patriotes zimbabwéens». «Nous ne partirons pas. Le
Zimbabwe est notre pays, nous en avons la citoyenneté, on ne nous en
dépossédera pas.»
Dépossédés, ils le furent pourtant. Voil�* quatre ans, ils durent
abandonner leur ferme achetée en 1999 dans la région de Koraï. «Avec
l'autorisation du gouvernement, nous avions acquis 600 hectares pour y
produire du tabac et faire de l'élevage. En 2001, nous avons pu
rembourser nos emprunts. L'année suivante, nous avons dû fuir.» Par un
matin d'hiver, ils se sont réveillés aux cris et algarades résonnant
dans la cour de leur ferme. Une trentaine d'hommes armés étaient l�*,
leur ordonnant de partir : «C'était tout, dit-il. Ils nous disaient de
débarrasser le plancher. Pas d'explications, rien. Juste cet ultimatum :
partir ou subir les conséquences de notre refus.» Elle ajoute : «J'étais
enceinte de sept mois. Il y avait déj�* eu plusieurs évictions les
semaines précédentes. Et des fermiers tués par ces soi-disant vétérans
de la guerre d'indépendance du Zimbabwe. En réalité, nous n'avions aucun
choix.»
Ils ont jeté en toute hâte trois valises dans une voiture. Et sont
partis. Sous la protection de leurs 75 employés agricoles tentant de
refréner les ardeurs des envahisseurs. «C'était très surprenant, se
souvient-elle. La violence était contenue, maîtrisée. Il fallait nous
faire peur. Mais nous sentions que si nous avions résisté, cela aurait
été plus loin. Il ne s'agissait pas que d'intimidation.»
Arrivés �* Harare, la capitale du Zimbabwe, �* 200 km, ils ont loué un
appartement. Pendant deux mois, ils ont tout tenté pour récupérer leur
bien. «Nous avons voulu faire intervenir la police, dit-il, mais elle
refusait, elle avait peur. Le chef de la police nous disait qu'il ne
pouvait rien faire, que c'était politique, qu'il y avait des
instructions.» Après huit mois d'efforts vains, ils obtiennent
l'autorisation de revenir dans leur ancienne exploitation. Pour
embarquer leurs effets personnels. «Nous avons pu prendre nos vêtements,
dit-elle. Nous avons aussi vu la ferme. Le nouveau propriétaire vivait
dans notre maison. Il roulait dans une voiture volée. Tout l'équipement
avait été vendu. Les terres étaient en friche et les employés de la
ferme vivotaient sur de petits potagers. C'était catastrophique et ça
nous a définitivement ôté tout désir de retour.»
Ils doivent refaire leur vie : «Nous n'allions pas débarquer �*
l'aéroport de Londres avec deux valises, deux enfants et pas un sou.»
Ils achètent donc un métier �* tisser afin de réaliser des robes de
mariée. Se font une clientèle. Dont quelques-uns de ces nouveaux riches
qui, sur fond de paupérisation grandissante du pays, tiennent le haut du
pavé.
Ils s'en sortent. Difficilement. Parviennent �* louer, après plusieurs
années d'efforts, un potager de 37 acres dans la banlieue d'Harare. Y
produisent des tomates qu'ils transforment en sauce et distribuent dans
les supermarchés. «Il fallait survivre, nous avons dû nous adapter aux
nouvelles conditions économiques», note-t-il. Avec 1 200% d'inflation
annuelle, une rupture de tous les circuits de production et un manque
criant de devises, le Zimbabwe, pays anciennement développé, s'est comme
eux mis �* bricoler de tous côtés pour survivre.
Aujourd'hui, ils emploient une vingtaine d'anciens employés de leur
ferme. «Ils nous avaient protégés lors de notre éviction, nous leur
avons proposé de continuer �* travailler ensemble. Sur place, leurs
conditions de vie étaient devenues intenables, il n'y avait plus rien �*
manger. Alors, ils sont venus. C'était peut-être dur pour nous. Ça
l'était cent fois plus pour eux...»
http://www.lefigaro.fr/international..._faillite.html
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Quotidiennement updatés, et avec photos, les "Saviez-vous que...",
sont enfin disponibles en ligne :
http://diberville.blogspot.com/
"Davon geht die Welt nicht unter, sieht man sie manchmal auch grau".